6 séjours ces 3 dernières années ! Rien n’arrive jamais par hasard…
HONG KONG FOREVER !
Tout commence en novembre 2016. Comme chaque fin d’année civile je regarde les différents calendriers sportifs, internationaux et continentaux pour planifier la saison qui arrive. Et là un événement m’attire : championnats d’Asie . Un lieu m’interpelle : Hong Kong. Je sais que cela n’a jamais été couvert de l’intérieur par un photographe occidental. Je n’ose y croire en regardant par pure formalité le prix des billets d’avions. Je n’en crois pas mes yeux: 500 euros. Là finies les interrogations, j’y vais, on verra sur place.
Acte 1
Après un périple qui n’a pas d’intérêt en soi, j’ai ma chambre sur Kowloon sur la mythique Nathan Road. Il est 2h du mat, il me tarde de sortir respirer l’air moite de la mousson et d’admirer la vue. A cet endroit vous être bien dans le district de Hong Kong, mais pas encore sur l’île de Hong Kong ! La magie est en route, je tombe à la renverse à la vue magistrale de cette mythique skyline ! Oublié le décalage horaire, l’horaire même, je suis littéralement habité par les lieux. Il va se passer quelque chose ici, je le sens. Je me renseigne sur l’horaire du premier ferry. Demain je le prend, j’irai sur l’île de Hong Kong et rejoindrai l’hôtel officiel pour mon accréditation via le métro ultra moderne.
Une belle surprise m’attend le lendemain pour les accréditations. La grande dame Elisabetta FRATINI est là, détachée par l’IJF pour aider l’Union Asiatique, la JUA . Un mot, un regard complice et c’est réglé. Je me présente devant la personne qui va m’enregistrer. Il a fallu 5 bonnes minutes pour qu’elle assimile l’idée que je débarquais de France. Adorable. Mais une constante qui ne s’est jamais démentie en Asie. Si tu es là c’est que tu es compétent dans ton domaine, et on te laisse carte blanche. un vrai bonheur. Je remercie tout le monde et on se retrouve au tirage au sort.
Quelle diversité humaine ! Absolument fantastique ! Déjà je repère des portraits qui me marqueront pour toujours, tel celui de Chin-Fang WANG de Taipei. Mais il y a aussi YAMASHITA sensei en maître de cérémonie. Au moment propice je lui montre mon magazine. Non seulement, il prendra le temps de s’asseoir pour le consulter longuement, mais son retour marquera toute ma carrière. Ça peut s’arrêter maintenant, je viens de vivre un moment indescriptible.
Je prend le dernier métro qui me ramènera à mon hôtel. En immersion totale, je ne croiserai aucun occidental sur mon trajet. Énorme ! Le lendemain la compétition commence, et là….
J’ai déjà raconter plusieurs épisodes de cette expérience exceptionnelle : Tsukasa YOSHIDA et son père, la Route de la Soie, Chin-Fang WANG. L’épreuve individuelle a été époustouflante, chaque finale pouvait être une finale mondiale. Mais alors que dire de l’épreuve par équipes le dernier jour !
Je remarque évidement que l’organisation est d’un grand professionnalisme. Rien n’est laissé au hasard, mais avec une capacité d’adaptation et une réactivité de tous les instants. Je finis par remarquer une jeune femme discrète mais dont le travail de l’ombre est essentiel. C’est Yuka AKASU. La veille elle était venue me voir en se présentant comme une amie d’une certaine Véronique BERDIER. Sur le moment je n’avais pas fait le rapprochement, trop en immersion dans l’instant présent. Ce matin j’ai réalisé, je le lui ai dit qu’il s’agissait bien de Véronique, la passionnée du judo asiatique et en particulier coréen dont elle parle la langue. On en a rit ! Mais là je la vois s’activer dans tellement de langues étrangères que j’en perd le fil. Impressionnant. Le soir je l’invite à prendre un thé hongkongais près du vélodrome. Ce moment nous liera à jamais. Je n’aurai de cesse de l’aider si nécessaire dans sa carrière. Comme une petite sœur par procuration, je la protégerai aussi longtemps que je le pourrai.
La compétition par équipes est le moment fort de cette compétition . Par respect des organisateurs, je leurs redemande si je peux aller du côté des athlètes. La réponse est sans ambiguïté : au contraire vas-y personne ne l’a jamais fait en Asie. Il y a des choses qui ne passeront jamais en photos : le son ! Une banalité me direz-vous. La langue universelle, même ici reste l’anglais. A part les formules de politesse, c’est difficile d’y échapper. Alors quand je les entends encourager, que dire, hurler leur enthousiasme dans leur langue maternelle, c’est un sacré choc. Le japonais certes, mais avec une telle véhémence de la part des filles, j’en suis sidéré. Que dire des mongoles et leur langue à la sonorité si unique ! En cantonais, en coréen, en indonésien, en ouzbèke, en kazakh, en kirghize, en persan, en arabe ! Malgré la climatisation, l’air est saturé de chaleur et d’humidité. On dégouline tous. Je n’ai jamais été autant admiratif quand je les vois revenir dans un tel état.
La compétition est terminée. Au moment du départ je salue tout le monde. On me demande comment je trouve Hong Kong. Une ville-monde dont le cœur bat en permanence. On t’a vu travailler, on a vu le résultat,si tu veux on t’invite pour notre grand prix en fin d’année. J’en ai les larmes aux yeux. C’est ainsi que tout commença vraiment !
Acte 2
Le judo n’est fait que de rencontres. Une que je ne suis pas prêt d’oublier et qui me suivra jusqu’à la fin de mes jours, c’est celle avec Paul TANG. J’y reviendrai…En attendant en cette fin novembre 2017, me voilà de retour 5 mois après les championnats d’Asie. Mon badge d’accréditation est prêt, l’hôtel est superbe. J’aime cette progression aussi. Je sens l’équipe soudée, et l’accueil à mon égard est énorme. Avec Paul on se tombe dans les bras. Qu’importe les barrières culturelles, il n’y a pas de frontière dans l’amitié. La suite va me le prouver au centuple. Quel surprise au moment de récupérer la plaquette officielle du tournoi. Ils m’ont fait la divine surprise de m’intégrer à l’équipe technique. Ça sera le cas pour chaque édition !
C’est un belle édition. J’y retrouve l’équipe majeur de Corée du Sud. Ce sont de sublimes athlètes évidement ! La qualité de l’organisation et l’attraction de la ville-monde n’ont pas failli à leurs réputations. La présence du co-responsable de l’arbitrage mondial Juan Carlos BARCOS n’est pas en rien due au hasard. On se connait depuis le temps. En aparté je le félicite de venir apporter son expertise et ainsi mettre en lumière un tournoi qui à mon avis n’a rien à envier aux grands prix européens. La tension s’est vite transformée de manière positive en un moment de fierté et de reconnaissance pour tout le corps arbitral et l’ensemble de l’organisation.
Je repère les lieux et cette surface vitrée qui longe tout le circuit de la chambre d’appel va m’inspirer au plus haut point. La sublime You Jeong KWON s’en trouvera de fait dédoublée !
Et notre complicité sera immortalisée par ce regard au travers de la vitre.
Rien ne peut se faire sans une équipe de volontaires compétents. Ici, la sérénité prime. La culture asiatique permet à la fois d’y intégrer de très jeunes judokas …ainsi que leurs mamies. Quelques selfies témoignent à quel point l’atmosphere est remplie d’empathie.
Au démarrage de la compétition certains athlètes n’en reviennent pas que je sois de retour. Je leur avoue que moi aussi ! C’est un vrai rêve éveillé ! Cela me permet pour la première fois de découvrir un sigle sur les judogi de l’équipe japonaise : A.J.U.J.F. All Japanese University Judo Federation .
C’est le dernier tournoi de l’année pour ces universitaires. Une tradition qui récompense les plus méritants de la saison. Evidemment le niveau technique est exceptionnel, et ils feraient le bonheur de n’importe quelle nation mondiale. Et on se rend compte alors du vivier gigantesque du Japon. Deux athlètes retiennent mon attention par le charisme qui se dégage déjà d’eux : Yuki NONAKA et Shusaku YAMAMOTO, la classe absolue.
Comme tous les ans aussi le Canada programme cette date avec fidélité. C’est l’occasion de sortir des jeunes au fort potentiel. L’équipe est supervisée par l’inégalable Jean-pierre CANTIN. Une gouaille certes, mais qui sait responsabiliser les jeunes et leurs donner les clefs pour se lancer plus tard dans le grand bain. Il maîtrise à merveille toutes les dernières technologies et compose à chaque fois un carnet de voyage interactif avec ses jeunes. Une preuve de plus du professionnalisme de ce pays qui monte tous les ans un peu plus en puissance derrière leur responsable Nicolas GIL.
Quelle évolution depuis mon séjour au Canada en 2010. L’occasion de revoir avec bonheur leur premier champion du monde junior Louis KRIEBER-GAGNON. Je le retrouve après les Jeux de la Francophonie de 2013.
Aussi une chance d’observer leur premier champion du monde cadet, le surpuissant Benjamin KENDRICK.
C’est aussi l’occasion d’approcher ce pays de judo qui a une double culture. Ce chapelet d’îles que sont les Philippines. est menée pour sa partie japonaise, par le plus jeune coach du circuit mondial Kodo NAKANO. Une jeune attire mon attention, prometteuse selon moi, la lumineuse Mariya TAKAHASHI.
Je peux aussi enfin prendre le temps de côtoyer l’équipe de Hong Kong. Les affinités sont immédiates avec le coach Cheu Kit CHEUNG . Dans le civil il est pompier professionnel. D’ailleurs quelques années plus tard il deviendra vice-champion du monde de leurs disciplines.
Avec celle qui fera la couverture de mon magazine, Shu Ki TSUI, deviendra au fil du temps une complice dans la compréhension de cet endroit du monde, qui est depuis son origine, au carrefour de la Chine et de l’Occident.
La première journée vient de se terminer. Mais qu’est-ce je suis bien ! La valorisation de ceux qui sont rarement pris en photos, où pour la première fois on ne se contente pas de voir leur dossard, pris dans un uchi-mata qu’ils subissent. J’ai de plus en plus l’intuition que ma voie se trouve-là. En 2017 ça n’est encore qu’une intuition. Aujourd’hui c’est une certitude. J’arrive dans le hall de l’hôtel, on m’annonce que dans une demi-heure, c’est le départ pour le dîner officiel. Evidemment la caméra reste dans la chambre. C’est un moment officiel certes, mais privé avant tout. Vous prenez les gens qui mangent vous ? Il y aura suffisamment de selfies qui immortaliseront ce moment privilégié. Il restera inoubliable. Un moment de complicité avec l’équipe, qui soude des liens très forts, et me permettra de mieux apprécier la dimension humaine de Paul TANG.
Evidemment les photos sont mises en ligne dans la nuit. Le commentaire de Paul le lendemain restera comme gravé à vie dans ma mémoire : Dear Emmeric you made my competition better. Jamais on ne s’est autant compris avec une organisation. Pas de mots pour décrire les sentiments qui m’animent. D’autant que c’est la dernière fois que je vais le voir de son vivant. Quelques mois plus tard Paul sera emporté par une crise cardiaque. Depuis on est tous orphelins au tournoi de Hong Kong.
Acte 3
Hong Kong c’est aussi un tournoi international cadet-junior. En cet été 2018 il participe à la qualification olympique de la jeunesse de Buenos Aires. Il y aura du beau monde ! Je demande si je peux m’y joindre. On me répond que c’est un honneur. J’hallucine, c’est le monde à l’envers. On va me faire traverser la planète pour une compétition cadet-junior. L’expression : nul n’est prophète en son pays, n’a jamais été aussi vraie…
Je n’imagine pas encore à quel point ce séjour va me faire entrer encore plus profondément dans la culture asiatique en général, et dans la hongkongaise en particulier. Au mois d’avril alors que Paul venait de décéder, son fils Ling Hon me contacte pour récupérer le portrait original de son père appréciait. C’est pour la cérémonie. Je ne fais pas de photos pour ça ! Evidemment je la lui passe en espérant de pouvoir m’incliner sur sa tombe à mon prochain séjour. En fait ça sera plus fort que ça. Ayant été incinéré, ils ont pu faire un autel au domicile. Je pourrai m’y recueillir. Au premier jour de la compétition Po Ke WONG le nouveau responsable du tournoi vient me voir juste avant la pause. D’ici 5mn on m’amène chez Paul. Je ne sais pas encore comment j’ai fait les derrieres photos des éliminatoires, il y a un blanc. Je travaille par instinct . On part à 4, on s’arrête prendre des fleurs au passage. C’est en pleine journée, cette ville ne s’arrête jamais. On y arrive au bout d’une heure. La coupure étant de 2, autant dire que le timing est serré. A Hong Kong c’est très simple de connaitre le statut social d’une famille. Moins il y a d’étages dans l’immeuble où l’on habite et plus on est privilégié. On s’arrête dans une maison de 2 étages. Une cour intérieur, entourée d’arbres. Une quietude habite ses lieux. Je retrouve son fils qui nous fait monter à l’étage de cette résidence. Dans l’escalier une surprise, chaque recoin est converti en espace de rangement. La femme de Paul nous attend sur le perron. Trop intense et intime pour décrire ce moment. On entre dans la salon. Que dis-je une bibliothèque ! Tous les murs sont couverts de livres. Paul était tellement ouvert vers les autres et curieux du monde, je comprend un peu mieux pourquoi. On arrive devant l’autel. Tout le monde est effondré. Devant l’autel, il y a une photo.Je ne peux que lui parler en français, mais je sais qu’il me comprend de là-haut. C’est tellement tendu pour le timing, moi encore je peux m »adapter, mais les autres sont tenus par la reprise immédiate du tournoi. Ils en sont des acteurs directs. On doit déjà repartir. Le silence règne sur le chemin du retour. Le chauffeur fera des miracles ce jour-là, on arrive un quart d’heure avant le début. Cet instant restera à jamais gravé en moi.
Dans ces moments-là on est heureux d’avoir un métier qui exigent une concentration de tous les instants, Il sera temps le soir dans la chambre de l’hôtel de laisser retomber le trop plein d’émotions.
Déjà le matin ça avait démarré très fort. Je me rends compte que l’équipe du Bhoutan a envoyé une équipe de jeunes. et alors me direz-vous ? Non seulement c’est la première fois que je les vois, mais c’est surtout le pays dont mon ami Michihiro YAMASAKI a introduit le judo en 2011 pendant 2 ans. Il avait alors 24 ans.Parti d’une feuille blanche, voilà le résultat 7 ans après. Monumental. Je vais voir le sensei. Je lui fait part de ma réflexion. Il me regarde stupéfait ! Le lendemain je distribuais à chacun une photo de Michihiro YAMASAKI sensei. A leur réaction j’ai l’impression de donner une image sainte.
Assister à une competition de jeunes, c’est une occasion unique de découvrir des talents en devenir. De tisser des liens forts qui se poursuivront tout au long de leur carrière.
Une équipe est arrivée en force, c’est l’Australie. Encadrée par deux grands techniciens, la sublime Moe SAKIO et le dynamique Benjamin DONEGAN.
Ils sont là pour essayer aussi de créer un esprit d’équipe et ainsi palier dans le futur à un manque cruel de moyens, dans cette île-continent surdimensionnée pour les transports du quotidien. Deux judoka retiennent mon attention. D’abord Rhys ALLAN, c’est un phénomène de précocité. J’ai rarement vu autant d’énergie déployée lors d’un échauffement. Une envie d’en découdre de tous les instants. Une gestuelle et une forme de corps largement au-dessus du lot. La suite le prouvera. Bien que cadet, il sera médaillé en cadet et en junior le lendemain.
Je ne le remarque pas de suite . Il a fallu que je sois en chambre d’appel pour me rendre compte de sa situation de handicap. L’australien James ZAHRA a une main atrophiée. Il ne se pose aucune question, il combat avec les valides sans aucun complexe. Plus tard il participera aux Jeux Olympiques de la jeunesse en Argentine. On prend le temps de discuter et je lui demande l’autorisation de témoigner de son histoire avec une photo. Je lui fait un reportage personnalisé.Un reportage dans le reportage. Il le mérite.
En tant que portraitiste, il n’y a pas de compétition sans qu’un visage ne m’interpelle plus que les autres. La diversité humaine en Asie n’en finit pas de m’envoûter. Mais que dire lorsque je croise Lin Hsan HSU de Taipei.
Elle a une telle prestance, même en combats !
Je suis en train de faire le best of du matin pendant la pause du deuxième jour. Pour se faire intégrer partout, il n’y a pas de secret, sinon celui de rester soi-même. Ne pas essayer de s’inventer un rôle, surtout lorsque l’on parle une langue étrangère. Non seulement on base ses rapports sur un malentendu. Mais en essayant de parler anglais avec un accent que l’on ne maîtrise pas, on risque d’avoir des surprises. Je n’ai aucun complexe à le parler avec un accent français . Du coup, une personne commence à me parler en français. Il se présente : Etienne FRITSCH. Il vit avec sa famille à Hong Kong. Je vois qu’il est dans le staff du tournoi. Il est là avec son ami Thomas MATHIESEN. Je fini par comprendre qu’il est lui-même judoka. Sa passion a beau être récente, je vois bien sa lueur dans les yeux quand il en parle. Magnifique ! Je le mets à l’aise de suite en lui disant que j’ai moi-même démarré à 40 ans, et voilà où j’en suis. A partir du moment où la photo du matin est en ligne, et le best of est dans la boite, le boulot est fait. Je peux donc prendre du temps pour faire plus ample connaissance. Le courant passe de suite. J’aime ces instants de fraîcheur, où je rencontre des personnes qui ne connaissent pas mon travail. On se découvre tellement de points en commun, que l’on a l’impression de s’être toujours connus. Cela arrive parfois. Comme il est pilote de ligne, je lui suggère de s’envoler à chaque fois avec son judogi, je lui ouvrirais mon carnet d’adresses. On l’ignore encore, mais c’est le début d’une amitié qui va nous amener loin.
L’atmosphère de ce tournoi de jeunes est telle, que je suis finalement tout le monde…à Macao ! Merci milles fois Mister CHE ! Le stage démarre la semaine prochaine avant le tournoi du week-end prochain. Evidemment ça sera l’objet d’un prochain article. Car vous vous en douter il va se passer des choses dans cette ville à la quiétude insoupçonnée, où le Portugal a exercé son influence pendant 5 siècles. Au cœur de ce continent qui vit dans une autre dimension, surtout si on compare l’Asie, à notre vieux-continent.
Acte 4
Me revoilà pour l’Open senior en fin d’année 2018. Avec cette édition, une superbe initiative: le championnat d’Asie de Katas.
Vous pouvez toujours restez dans le confort et s’en contenter. Mais pour progresser, il faut prendre des risques, et voir de quoi on est vraiment capable. En l’occurrence comment ne pas se répéter quand toutes les équipes ont la même chorégraphie ? Si on veut populariser le judo et les katas qui en sont la nomenclature, il va falloir que j’innove dans les prises de vues. Ca tombe bien, j’ai comme à l’habitude, carte blanche.
Aux retrouvailles avec Po Ke WONG le responsable du tournoi on se tombe dans les bras, tant le plaisir est au rendez-vous ! Une autre belle retrouvaille sera celle d’Etienne FRITSCH. C’est l’occasion de me présenter ses professeurs de judo et à celui de ses enfants. que sont Emily LAU et Cédric SUM.
Ils participent au championnat et parcourent les grands rendez-vous internationaux de katas. Ils présentent leur JU NO KATA. Le kata que je préfère, celui qui ne comporte aucune chute. C’est comme un ralenti, toute en maîtrise. J’adore ! Il faut savoir que c’est le seul duo mixte au monde de ce niveau, dont en plus, Tori est occupé par Emily. Donc voilà une occasion magnifique de se démarquer dans le reportage photo à venir. Ce kata leur permet de s’entraîner partout. Et donne ainsi droit à des séquences pour le moins originales lorsqu’ils s’exercent entre deux vols,devant les yeux médusés des voyageurs en transit. Une belle rencontre … qui là encore, va déboucher sur quelque chose de fort !
Divine surprise c’est aussi l’occasion de retrouver Elisabetta FRATINI ! En vacances, accompagnant son compagnon Huu HANH l’ingénieur ultra-compétent en matière de médias, qui fait une pige ici pour former l’équipe du tournoi. Son expertise est mondialement reconnue . Son sens de la pédagogie aussi, et je le verrai tout au du tournoi former et motiver avec la convivialité qui le caractérise, l’équipe de ¨Po Ke WONG et de Kuongh Hon CHE. Encore une leçon reçue ici. Pas de secret il faut mutualiser les moyens pour survivre et se developer. Hong Kong et Macao en y incluant Taipei, forment un triumvirat qui les font progresser d’années en années. Faire appel aux meilleurs experts pour se former voilà qui nous change de l’entre-soi et la suffisance qui sont par trop rependus.
L’épreuve de kata m’aura finalement conquis. On est là aux racines même du judo. L’équipe japonaise a évidement éclaboussée de toute sa classe. Une prestation d’ensemble à couper le souffle. Comme si j’en avais besoin, j’ai vraiment la confirmation que le JU NO KATA est celui qui me parle le plus. Historiquement il a été l’apanage des femmes. Prenant le contre-pied, elles en ont fait leur spécialité, avec une elegance que les hommes n’atteindront jamais. Un peu comme la ceinture noire parcourue d’un trait blanc, qui est attribuée aux judokates japonaises. Là encore, elles ont pris le contre-pied et l’affichent avec fierté !
Revenant de Mongolie où j’ai couvert les championnats de la partie de l’est asiatique, les fameux EAST ASIAN CHAMPIONSHIPS, j’ai pu évidement renforcer ces liens si forts qui me lient avec ce pays et ses habitants. Mais aussi je peux mieux apprécier l’équipe chinoise. En particulier une athlète qui va ici me donner les clefs de mon intégration au sein du groupe. C’est Anqi SUN. Une femme extravertie, enjouée, qui entretient une ambiance propice à la décontraction. Elle réalise avec son appareil photo toujours de petits reportages photos commémoratifs pour le groupe.Je la vois à plusieurs reprises et cela nous permet d’échanger sur les prises de vue. A partir de ce moment-là tout s’est décanté. J’ai une dette à vie envers toi ma chère Anqi.
Je vous parlais de l’équipe mongole. C’est à cette occasion que je réaliserais mon portrait le plus abouti de la légende Tuvshinbayar NAIDAN, juste à la sortie du combat. Pour moi un hommage pour cet immense champion, avec qui j’ai vécu des moments forts. Par exemple son round-robin en pleine coupure du tournoi GENGIS KHAN . Généralement, les athlètes légitimement profitent de ce temps mort pour récupérer. Jouer aux cartes, ou regarder leurs portables. Eux, ils font un round-robin improvisé ! Chacun a sa culture. Ne cherchez pas de photos, il faut savoir faire honneur au cadeau donné, et si l’on sent que l’on rentre trop dans l’intimité des athlètes, il faut s’abstenir de faire marcher sa caméra. Ils l’ont bien compris et cela à renforcer notre respect mutuel comme jamais.
Ninjin LOSOL me permettra aussi de faire la photo de la couverture de mon magazine. Cette mongole sculpturale a un visage magnifique que j’arrive juste à capter dans la densité de la chambre d’appel. Mais je vous laisse juge.
Je montre la photo à son compagnon Turmunkh GANKHUYAG. Je lui dis en français, que ça te ferai un cadeau de Noël sympa. Il se marre. Ayant séjourné en France pour ses études. Il a même fait les premières divisions en France. Il est lui-même membre de la délégation mongole. Il fut le traducteur officiel de David DOUILLET lors de son séjour en Mongolie. Elisabetta qui assiste à la conversation en français me demande qui sait. Je lui suggère de garder ses coordonnées. C’est en s’appuyant sur de telles personnalités que la Mongolie va continuer de se développer.
Ce tournoi suit de près le stage du Grand Slam du Japon. Une belle opportunité pour engranger des points à la ranking-list pour ceux qui en ont besoin avant les Masters. C’est l’occasion de recevoir aussi des athlètes de renom, qui ne manqueront pas à leur retour, de faire la promotion de ce tournoi . Tel par exemple Nicholas DELPOPOLO des Etats-Unis. On se souvient tous les deux de notre première rencontre sous la pluie tropicale de Rio en 2012. Il fallait passer entre les gouttes pour passer de la salle d’échauffement et accéder à la compétition. Niteroi m’ a forgé un mental à toute épreuve.
Un autre athlète américain confirmé est aussi présent. Alaa EL DRISSI. On a des amis en commun dont Rodrigue CHENET de Château-Gontier. Qui est en train de montrer à la face du monde du judo tout son talent par son coaching de Vanessa M’BALLA du Cameroun. Mais Alaa et moi, on le savait depuis tellement longtemps que c’était un expert de notoriété mondiale. D’ailleurs Paula PARETO et Laura MARTINEZ sa coach ne s’y sont pas trompées. Un bout de son tire olympique lui revient aussi. Mais par son humilité il ne le clamera jamais. Pour Alaa c’est un peu compliqué, la fin de saison commence à se faire sentir et il sort avec les honneurs face à la puissance mongole de Tumurkhuleg DAVAADORJ. Plus tard Alaa viendra me voir pour me demander des plans pour visiter Hong Kong. C’est le moment idéal pour lui présenter Etienne FRITSH, qui lui fera un plaisir de lui concocter sur le pouce, un programme aux petits oignons. Le lendemain je le retrouve, avec ses autres amis américains il a été enchanté. Il est comme ça Etienne. Et encore vous n’avez encore rien vu !
Lors de la soirée officielle, c’est encore l’occasion de mieux s’imprégner de la culture cantonaise. Je me suis retrouver à chanter après une chanteuse d’opéra chinoise. Un grand moment de solitude…Face à un tel talent, vous faites du mieux pour sauver les meubles, en espérant que votre prestation ne déclenche pas un typhon.
Comme vous l’avez vu , tous les ans le Japon envoie ses universitaires les plus méritants. Et là un choc. Imaginez Tsukasa YOSHIDA dans une catégorie supérieur. Une ressemblance saisissante, qui évidement me parle. Je parle d’Ayaka TOMITA en -70. Elle dégage une prestance impressionnante. On a l’impression que la route s’ouvre devant elle quand elle marche. J’adore mon métier pour ce genre de rencontres.On aura l’occasion de parler à la pause et après sa finale perdue. J’espère la revoir plus tard quand elle sera en senior.
A la pause je profite pour parler à Kuongh Hon CHE de la Chine. En tant que responsable des sports de la JUA, et de part sa présidence de la fédération de judo de Macao, il a évidement ses entrées. Sa parole a du poids. C’est d’ailleurs pourquoi tout le monde l’appelle avec respect Mister CHE. Je lui signale qu’au final, pour les Masters de Guanghzou je n’avais pas eu la réponse définitive. Cela arrive. Il prend son téléphone. Je ne comprend pas encore le mandarin, mais au ton de son interlocuteur je sens qu’il y a un problème. Il me regarde. Ils ne comprennent pas pourquoi la réponse s’est perdue. Ma présence est attendue avec impatience pour un reportage en immersion avec l’équipe nationale avec les termes convenus. C’est dans moins de 15 jours. Un détail…
Connaissant les délais de réactivité de l’ambassade de Chine en France, autant dire que pour le visa c’est mort. Une seule solution, le prendre à Hong Kong, on l’a en 24h, en passant par l’agence spécialisée FLIGHT CENTER. Etienne m’en avait parlé, avec sa vivacité d’esprit il réagit en un quart de seconde. On est dimanche, mais il s’est débrouillé pour avoir les infos. Il faut que je reste une journée de plus ici et c’est réglé. Je regarde Mister CHE dans les yeux. Je lui dit que je dois rentrer en France pour raison familiale, mais je donne ma parole, je serai à Guanghzou à temps.
Commence alors une course contre la montre administrative qui va s’avérer épique. En effet mon passeport sera périmé de 2 jours après les 4 mois de mon retour éventuel des Masters. Il faut donc que je me procure un passeport en urgence. Mais qui une fois de plus va me faire revenir à Hong Kong pour une troisième fois en cette année mémorable de 2018.
En attendant le retour dans une semaine, je vous conseille de faire comme moi, prenez toujours le dernier vol retour de la journée pour profiter jusqu’au bout de l’endroit où vous êtes. Le lundi je décolle vers minuit. Des moments intenses sont encore à venir.
Le matin après avoir fait le check-up, je laisse les clefs de ma chambre superbe. Avec Elisabetta et Huu on a rendez-vous pour la journée avec Etienne. Il nous a préparé un programme exceptionnel dont il a le secret. On doit notamment diner avec Emily et Cédric sur leur île authentique de Peng Chau. On va assister à un des cours pour enfants de leur club DARUMA . Elle est située dans l’école internationale de Discovery Bay, que fréquentent les enfants d’Etienne.
La nuit est tombée depuis longtemps. On marche avec Elisabeth et Huu le long de cette skyline magique. On a une chance folle et on vient de vivre un moment de partage unique. On monte tous dans le même taxi avec le chauffeur hilare, on a juste la place de s’asseoir tant il y a de bagages à l’intérieur de l’habitacle. On a envie de prolonger ce moment de complicité jusqu’au bout.On se quitte avec émotion. Ils me souhaitent bonne chance pour le passeport et le visa.
Moi, j’y crois plus que jamais ! Je suis imprégné de cette énergie qui anime en permanence Hong Kong.
Acte 5
Une semaine après me voilà de retour. J’ai mon passeport provisoire en poche. Le vert, celui qui n’est pas biométrique. A tout hasard j’ai amené les deux. Pour entrer à Hong Kong pas de problème de délais. Maintenant c’est l’obtention du visa en 24 heures. Un réseau de solidarité s’est mis en place ici. Emily et Cédric vont m’héberger sur Peng Chau pour 3 nuits. A peine arrivé sur l’île, ils m’attendent à l’embarcadère pour m’inviter au restaurant. C’est fabuleux, il est plus de dix heures du soir.
Le lendemain je suis à l’agence pour la demande de visa. Pas de soucis pour eux, ils ont l’habitude. On va enfin prendre le temps de mieux se connaitre avec Emily et Cédric. Etienne est en vol pendant mon court séjour. On finira par se revoir. Je ne croyais pas si bien dire… Mais vous le découvrirez plus tard, dans la dernière partie de cet article. En attendant je vais faire tout mon possible pour immortaliser ces instants et les leurs offrir. Leur petite fille Aika est adorable, que du bonheur.
Je vais me rendre compte du coup de la précarité de tous les instants quand on veut vivre du judo ici. Les affaires priment sur tout, peu de temps consacré aux loisirs. Avec le prix exorbitants des loyers et une densité de 6800 habitants au kilomètre carré, autant dire que les locaux disponibles sont rares. Il faut donc s’adapter. On en revient toujours au judo : la voie de la souplesse. Et là ils vont faire toute mon admiration. Au pays du Kung Fu, Bruce LEE a fait des émules, il faut savoir se démarquer, s’adapter, ou disparaître. Je les accompagne dans une salle de sport récemment ouvert par la femme de Thomas MATHIESEN. Idéalement située en plein quartier d’affaires, dans une de ces nombreuses tours qui font la réputation de la skyline de la Baie. Ils y ont ouvert ici une section pour les enfants. C’est au rythme de la musique techno qu’utilisent ceux qui font de la musculation qu’ils enseignent ici le judo aux gamins sur-motivés. C’est Inimaginable de transposer cela en Europe. Je peux vous dire que le niveau de concentration des mômes atteint ici des sommets ! Ils savent pourquoi ils font du judo. Ils les mèneront jusqu’à la ceinture noire.
En attendant d’aller voir leur propre sensei, Emily et Cedric m’emmènent dans une célèbre échoppe de thé. Les fêtes approchent à grands pas, alors autant se faire plaisir. Stupeur en y entrant, je découvre que le thé millésimé le plus vieux de la boutique est de 1945 ! La galette de thé noir est plus vieille que la République Populaire de Chine !
Par précaution je passe prendre un masque avant de rencontrer le sensei. LAM sensei est une légende ici. Il a 89 ans et est 8ième DAN. Toujours alerte, il me raconte ses débuts. Le judo appris par les japonais sur des tapis. Pas des tatamis, des tapis ! Des judogis faits sur place, les premiers tatamis viendront par la suite. N’oublions pas que l’on est à Hong Kong, tout est possible. Ses débuts sont fracassants. A l’époque il était d’abord culturiste et soulevait plus de 100kg, avec un record d’Asie à la clef. Autant dire qu’il battait tout le monde sur l’île à l’époque. Mais la première rencontre avec des taïwanais va lui donner une leçon qui changera sa vie. Il ne verra pas le jour face à eux. Ils faisaient simplement du judo ! Je le prend en photo devant son portait jeune de culturiste, comme un résumé de vie. Un moment qui restera à jamais gravé dans ma mémoire. On se quitte avec émotion.
Cédric et Emily continueront de m’amener dans des endroits en dehors des sentiers battus. Au plus prêt de leur quotidien. C’est un immense honneur. Le lendemain matin je suis en avance pour récupérer le précieux sésame. Pas facile de décrire ce qui m’habite. Il faut que je sorte au plus vite pour prendre l’air frais qui souffle fort en cet hiver sur la Mer de Chine. On a perdu 15 degrés en une semaine. Je préviens d’abord Emily qui spontanément est au guichet de la gare ferroviaire pour me prendre le billet de train pour demain matin. Deux heures de trajet qui m’amèneront à la ville deux fois millénaire de Guanghzou, plus connue pour les européens sous le nom de Canton. Un rapide email à la fédération chinoise, je serai là demain, à temps pour le tirage au sort.
On va se retrouver pour le cours de judo de leur club DARUMA. Là encore c’est l’école de l’adaptation. Il faut mettre les tapis avant de démarrer. C’est une belle leçon d’humilité. Les cours où sont les enfants d’Etienne sont dynamiques et techniques. 3 continents sont présents ici.
C’est une école internationale, et l’anglais est la langue de l’enseignement, même pour les élèves originaires d’ici. Un brassage culturel et social qui me ravit. La petite Aika, en judogi malgré ses 2 ans est la mascotte du club et les enfants l’adorent.
Demain matin il faudra prendre le premier ferry pour aller rejoindre mon train. Une traversée de la Baie au lever du jour qui me donnera une envie de tout avaler sur mon passage. Avant ils me réservent une dernière surprise. La cérémonie du thé chez eux, par Cédric lui-même, maître de cérémonie, en voie de passer son troisième degré. On vient de créer des liens qui ne se déferont jamais.
J’arrive à temps à l’hôtel de Guangzhou pour mon accréditation. Les premières personnes que je voient sont Huu et Elisabetta.. Les retrouvailles sont au-delà des mots.
Acte 6
Je suis dans l’avion qui m’amène à Hong Kong un an plus tard, j’ai décollé il y a quelques heures de Katmandou. Grace à Morgan GIRARDEAU et son association EXPLORE MEET SHARE JUDO , je viens de passer 15 jours inoubliables. Avec cet avion qui dame le pion au soleil, dans quelques minutes je vais changer de monde. Le contraste est juste hallucinant. Mais dès que je pose le pied à terre je suis en phase avec les éléments. L’Asie est définitivement mon continent.
Il est 5h du matin j’arrive en même temps que mon ami Chak CHAN. Il vit en Australie. On a apprit à se connaitre avec le temps. Il m’invite à prendre le déjeuner hongkongais à l’aéroport en attendant la navette qui nous amènera dans un superbe hôtel.
Etienne FRITSCH, toujours à la pointe de l’information, me souhaite la bienvenue par messagerie. Aujourd’hui c’est thanksgiving, et avec sa femme Whitney, ils m’invitent pour la dinde. Quand on connait la portée de cette tradition familiale et historique pour les américains, c’est juste magnifique. Je rentrerai radieux de ce moment de partage à mon hôtel par le dernier ferry. Avec le sentiment d’être plus privilégié que jamais. On est riche que de ses rencontres.
Une surprise m’attend au moment de l’enregistrement des participants. Je suis avec l’équipe de l’ombre, qui coordonne toute la compétition. Des français arrivent enregistrer leurs combattants. Ce sont les entraîneurs Vincent MASSIMINO et Christophe DUMONTIER. Enfin le travail commence à payer ! Combien de temps encore faudra t-il faire comprendre à la France tout l’enjeu d’une telle compétition ? Ils sont concentrés sur la procédure. Et tout d’un coup je leurs réponds en français. Cela permettra rapidement de résoudre quelques petits tracas bancaires. On discute un peu et je leur souhaite bonne chance pour demain. Quelque chose me dit que l’on va se revoir plus longuement.
Une fois le tirage au sort couvert, je file faire le reportage de l’Open d’Asie de Katas. Encore une belle occasion de retrouver Emily et Cédric. Ils finiront sur le podium comme à leur habitude. L’enjeu est important, on parle de plus en plus de l’inclure pour les Jeux Olympique de Tokyo. Une fois de plus je rentrerai à l’hôtel subjugué par le Ju No Kata.
Il n’y a pas de grand événement sportif sans une grande voix pour l’animer. Comme tous les ans Hong Kong fait appel à ce qu’il y a de meilleur. En l’occurrence Luis TORRES est le meilleur au monde. C’est sans discussion possible. Ce personnage, au noble sens du terme parle plus de langues que le nombre de doigts de ses 2 immenses mains. Mais ce qui fait la différence c’est le timbre de sa voix, le talent de prononcer avec l’accent local les noms des athlètes concernés. Que dire de sa bande-son, sinon que c’est à en donner le frisson ! Chapeau-bas l’artiste !
Je retrouve aussi avec bonheur Batgerel BATTSETEG et Bundmaa MUNKHBAATAR, en charge de la délégation mongole. Ils ont été pendant près de 2 ans les entraîneurs de l’équipe nationale hongkongaise. La fin de leur travail a été marquée par des gestes forts de reconnaissance de la part des athlètes. D’ailleurs spontanément ceux-ci vont les saluer comme il se doit. Tout au long de la compétition, ils auront toujours un œil bienveillant sur le parcours de leurs anciens protégés. Ce qui est sûr, c’est que leur apport a été énorme en matière de professionnalisation du quotidien. Les racines sont solides, l’équipe de Hong Kong peux désormais grandir avec sérénité.
Bien qu’en mode silencieux, je sens mon portable vibrer dans ma poche. C’est Paco LEGRAND du judo club de Grand Quevilly. Il me dit de transmettre ses encouragements à Badamgarav ENKHTSOLMON. Tout le monde l’appelle Badam. Les athlètes viennent juste d’arriver, je vais la voir rapidement. » Badam, tu as le bonjour de Paco, tiens je te le passe ». Elle finira par ramener la médaille de bronze. Elle faisait partie de l’école internationale mise en place par Paco et Rodolphe LEGRAND il y a quelques années. Une année qui l’aura marquée à vie. Après la compétition elle me dira que ce sont leurs conseils qui lui ont permis de tenir pendant les deux années de coupure en raison d’une grave blessure. Il n’y a pas une journée où elle ne pense pas à eux. Comme elle a travailler ponctuellement pour l’UNESCO pour un reportage photographique, on a l’occasion d’échanger nos avis respectifs.
C’est toujours un défi de trouver la photo marquante qui fera votre couverture de magazine. Elle viendra à moi comme un cadeau. Jamais encore je n’avais été autant dans l’intimité de l’équipe mongole. Cette photo de Nyangerel ENKHBOLD en est la preuve.
On n’imagine pas toujours l’impact que peut avoir votre travail photographique. Heureusement d’ailleurs, sinon cela nous paralyserait. La pression serait trop forte. Pourtant ce jour-là je ne suis pas prêt d’oublier ma discussion avec l’islandais Sveinbjorn IURA. Tous les ans on se croise ici. Au tournoi de Paris aussi qu’il fait tout naturellement. Je lui souhaite donc bonne chance. Mais Il est comme figé au moment de me répondre. Ce grand gaillard a les yeux qui s’embrument. Il commence à m’explique que c’est surement sa dernière saison il va essayer de se qualifier pour les Jeux de Tokyo, le pays de son père. Et les seules photos de sa carrière, ce sont les miennes… Sans rien lui dire, je vais lui faire un reportage commémoratif de ce tournoi. Un des nombreux reportages dans le reportage. Bien évidement, il les aura quelques jours plus tard en message privé. Elles lui serviront notamment pour les médias islandais. Il finira avec le bronze.
Fidèles, les canadiens emmenés par Jean-Pierre CANTIN est au rendez-vous. Je remarque une athlète dont le charisme ébloui toute la salle d’échauffement. Elle se nomme Kelly TAYLOR. J’en fait la remarque à Jean-Pierre en lui montrant une photo. Il me demande si je la connais. Dubitatif, il me signale que c’est la sœur de Christa DEGUCHI, la premiere championne du monde senior canadienne. Je lui demande si je peux faire passer l’info à l’organisation. C’est une info qui va continuer à entretenir cette dynamique positive qui anime toute l’équipe. C’est une présence plus que prestigieuse pour le tournoi. En 2020, elle prendra le nom DEGUCHI sur son dossard. C’est donc un reportage aussi pour l’histoire de sa famille. Plus tard je partagerai aussi en message privé ce reportage avec sa sœur aînée.
Après cette première matinée riche en émotions, la pause est la bienvenue. L’occasion aussi de faire le best-of . Po Ke WONG vient m’inviter au repas du midi. Je m’en vois dans l’obligation de refuser. Je dois mieux apprendre à gérer mon sommeil. Je suis un miraculé, et la dizaine de kilos perdus suffisent à leurs faire comprendre que c’était du sérieux. On se rattrapera ce soir au repas officiel. Evidemment il comprend. Cela fait longtemps maintenant qu’un seul regard suffit . Mon téléphone vibre de nouveau. C’est Véronique BERDIER qui me signale q’un photographe coréen cherche à me rencontrer depuis des années. Il est là ici et voudrait me voir. J’ai à peine le temps de lui répondre que justement Mireuk HWANG arrive. Je lui dit que ça tombe bien je suis en pleins dans les rushs comme ça on pourra directement en discuter. Je n’ai rien à cacher. Je lui tend une chaise. On passera un moment magnifique.
A peine fini, une athlète passe. Je la félicite en français. C’est une cap-verdienne, belge à l’origine, la sociologue Sandrine BILLET. Tombée amoureuse pendant ses études de la population de ces îles au large de l’atlantique. Cela a changé sa vie et me raconte ce qu’elle a mis en place pour développer le judo là-bas. Il y a des parcours qui forcent l’admiration. On va rester en contact .
La fédération de Hong Kong a engagé un nouvel expert. C’est Dalki SAITO. Je le regarde encadrer l’équipe avec un sens réel de l’écoute. Mais son niveau technique m’a estomaqué lorsque je l’ai vu en salle d’échauffement former ses athlètes au Uchi-mata. Je capte ce moment. Je lui signale que c’est une forme que l’immense Hiroshi KATANISHI sensei n’aurai pas renié. C’est dire que les athlètes de Hong Kong sont encore entre de bonnes mains.
Après un repas officiel mémorable, on se retrouve le lendemain. L’entraîneur français Vincent MASSIMINO me demande si lundi il n’y aurait pas la possibilité de faire du judo quelque part. Je lui dit que je m’en occupe et qu’il aura la réponse dans l’heure. Etienne bien qu’à Singapour pour une escapade familiale, me dit que dans 10 minutes il me rappelle. Toujours au top, il m’indique que tout est bouclé pour demain avec Cédric et Emily. Je lui passe Vincent qui je pense, n’en est toujours pas revenu. Une preuve de plus de l’énergie constructive qui existe dans ce coin du monde. Et pourtant, Vincent n’est pas au bout de ses surprises !
A chaque fois c’est un régal de retrouver l’équipe de Taipei. Cette photo montre bien la complicité qui s’est instaurée entre nous.
Le dimanche, Shu Huei HSU WANG gagne sur le fil la place de trois. Elle revient en pleurs. Un trop plein d’émotions. Chin Fang WANG essaye bien de relativiser. Elle revient à sa place en salle d’échauffement pour se préparer à rejoindre la cérémonie du podium. La personne en charge du contrôle anti-dopage est là pour lui faire signer la fiche de rendez-vous. J’en profite une seconde pour lui demander de lui traduire en mandarin combien elle peut être fière de son parcours. Qu’elle n’est qu’au début de sa carrière qui s’annonce prometteuse en Asie. Qu’elle ne doit rien lâcher et qu’avec Chin Fang WANG elle ne pouvait trouver meilleur conseil. Elle me regarde avec ses yeux bridés grands ouverts qui n’en finissent pas de me fasciner. Elle a arrêté de pleurer, se remobilise, me remercie chaleureusement et rejoint les chaises en attente de la cérémonie. Avec Chin Fang on se croise du regard. On s’est compris.
La veille, plus belle que jamais, Chin Fang m’avait annoncé que c’était la dernière fois que l’on se voyait. Elle devait se consacrer entièrement à son équipe universitaire. Le leadership de son équipe était remise en cause par les 5 autres universités. L’enjeu, et son poste était à terme en jeu. Elle ne pouvait plus se permettre de se disperser sur le prestigieux circuit international. Cela donne bien l’importance que le judo a sur cette île de la Mer de Chine. C’est encore une sacrée leçon reçue, et qu’il faut continuer de s’inspirer de ce que je considère comme le troisième niveau de judo universitaire dans le monde. Du coup je lui fait 2 promesses. Dans les 2 ans j’irai la voir sur place. Ensuite que je mets au chinois. Un ange passe. Elle comprend que je suis on ne peu plus sérieux. Elle n’aura qu’un mot en regardant en moi comme dans un livre ouvert : soon…
Le lundi ,une fois quitté l’hôtel, Etienne m’a invité chez lui pour aller ensuite avec son fils au cours de judo d’Emily et de Cédric. Il nous rejoindra plus tard avec l’équipe de France, il rentre en fin d’après-midi de Singapour et ne veux en aucun cas manquer ce rendez-vous ! Une fois de plus il est exceptionnel ! Cédric et Emily ne dit rien aux enfants et le cours commence. Quand débarquent les athlètes avec Etienne. Vous auriez dû voir les yeux des mômes. C’est Noël avant l’heure.
Ce soir-là Robin CORRADO, Anthony JOUBERT et Loris TASSIER encadrés par Vincent MASSIMINO vont donner aux enfants et aux adultes du cours, des souvenirs pour le reste de leur vie. Par moments je me demande qui est le plus heureux . C’est la magie du judo et qui justifie que l’on traverse la planète pour témoigner de tels instants.
On est au restaurant, tous invités par Etienne et sa famille, Cédric et Emily. Il est 22h,et ils en ont encore pour un moment lorsque je rejoint mon arrêt de bus de Discovery Bay avec Etienne. On se quitte pour un au-revoir chargé d’émotion, mais emprunt de sérénité. On sait que l’on va se revoir. Je suis dans le bus qui file dans la nuit vers l’aéroport.
Grâce à eux, je fais le plus beau métier du monde.
Emmeric LE PERSON