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Chin-Fang WANG : la perle de Taipei

Il y a des rencontres qui marquent une vie…

Hong Kong 2017.

Je couvre mes premiers championnats d’Asie. Le premier photographe occidental à prendre cette initiative. C’est un vieux rêve pour moi, tant ce continent me correspond . Rien de tel que la cérémonie du tirage au sort pour valoriser les hommes de l’ombre : les coachs et les organisateurs. Je balaye la salle du regard, j’essaye d’en capter l’atmosphère. Pas de doute possible, la diversité humaine de l’Asie dépasse toutes mes espérances. Du Moyen-Orient, au Levant, en passant par l’Asie Centrale, la Chine, le sous-contient indien, l’Asie du Sud Est et l’extrême orient. Plus tard une réflexion me viendra à l’esprit pendant la compétition. Fasciné par cette chambre d’appel, le lieu où les judoka attendent leur tour, je me suis dit : ça n’est pas une chambre d’appel, c’est la route de la soie.

Je me concentre sur le reportage lors du tirage au sort. Et tout d’un coup, le choc !

Toute la puissance de la femme asiatique concentrée en un visage. Un visage que l’on n’oublie pas. Mais qui est-ce ? Je ne le sais pas encore mais je viens de rencontrer une personne qui va compter beaucoup dans ma vie de judoka.

Le tirage est terminé, j’ai rassemblé toute la diversité asiatique. J’ai ses étoiles pleins les yeux. Et cette coach qui s’avance maintenant, elle m’aperçoit, me sourit, je capte ce moment de complicité. Le premier, je lui montre son portrait, quelque chose passe entre-nous qui dépasse la barrière de la langue. On arrive à se présenter. De sa voix grave qui vous transporte, elle décline son identité : Chin-Fang WANG la coach de l’équipe féminine taïwanaise.

Le lendemain la compétition débute. J’ai carte blanche pour mes prises de vues. Un vrai bonheur de travailler dans ses conditions. Je me régale de pouvoir côtoyer des nations qui n’ont pas l’habitude d’être mises en lumière. Par exemple le Népal, l’Indonésie, Thaïlande, Iran, ou encore le Turkménistan, pour ne citer qu’eux. Encore une rêve qui se réalise. Encore cette impression qui se poursuit, celle de faire le plus beau métier du monde.

Pendant la compétition je vais avoir le temps de mesurer tout le charisme et la portée des conseils de Chin-Fang. Pour la première fois l’équipe féminine de Taipei revient avec la médaille de bronze, une sacrée performance ! On a essayé de communiquer à la pause mais elle commençait juste à prendre des cours d’anglais. Je lui précise quand même que son anglais est meilleur que mon mandarin. Elle se marre.

1 an plus tard je la retrouve en Mongolie pour les championnats du sud-est asiatique. Un an d’anglais qui fera toute la différence.

Réalise-t-on vraiment toute la portée d’un tel coaching ? Comment valoriser des athlètes qui sont, à-priori, destinés à jouer les seconds rôles dans le circuit mondial ? Et c’est là que la beauté de la discipline prend toute son importance.

D’abord il faut un palmarès pour et un savoir-faire pour installer sa crédibilité. Chin-Fang a les deux. Elle a été vice-championne du monde junior en 2002. Mais aussi championne du monde universitaire,en 2009. Elle a eu de l’expérience dans sa carrière senior en faisant 4 championnats du Monde, le premier étant celui de MUNICH en 2001. Elle a été en bronze à la compétition-test des JO de BEIJING en 2007. Aux JO de BEIJING en 2008, elle perdra en finale de tableau. Quand j’évoque sa carrière, elle me répond avec cette modestie qui la caractérise:  » c’est loin tout ça, ce sont les athlètes d’aujourd’hui qu’il faut valoriser ! » Comme le lui a si bien dit Munkhzaya TSEDEVSUREN, ma sœur de Mongolie, dans un dîner privé inoubliable où j’ai eu la chance d’être invité : » Pourquoi as-tu arrêté si tôt ta carrière,?  » Sa réponse a été simple : » Pour l’université. »

Quant à son expertise, je l’ai constatée lors du stage post-compétition à Oulan-Bator. Pour la première fois l’équipe taïwanaise faisait un stage en Mongolie. J’ai vu l’équipe se dépasser tous les jours. Certes, se faire surclasser par les judoka expérimentés mongols, mais toujours revenir avec envie pour les randori ! Je constate rapidement que les combattants de Taipei essayent de trouver des solutions techniques face à la sur-puissance mongole. Ils ne tombent pas dans le piège de mettre les bras. C’est pour moi un signe important d’intelligence technique. Je lui en fait la remarque, ainsi qu’au coach expérimenté de l’équipe masculine Wen-Teng LIU. Ils peuvent être fiers de leurs athlètes. Je vois leurs yeux briller.

Wen-Teng LIU – national men coach of TAIPEI

La Mongolie ne s’y est pas trompée et décidera aussi pour la première fois d’aller au TAIPEI ASIAN OPEN avec une délégation renforcée, avec notamment la championne du Monde et médaillée olympique Sumiya DORJSUREN, c’est dire !

Tout comme son comparse Wen-Teng, elle aime ses athlètes, vraiment.

On constate qu’elle n’est pas là pour sa notoriété, mais en mission, la plus belle : faire épanouir ses élèves. JITA KYOE est son quotidien. L’éternelle reconnaissance, c’est le travers dans lequel tombe quelques coachs de haut-niveau qui n’encadrent que des champions. Mais Chin-Fang, elle, est au quotidien sur le tatami la coach féminine de la prestigieuse Université de Taipei. Celle qui forme l’élite du pays. Pour avoir pu discuter avec quelques-uns, on sent chez eux une sérénité et une intelligence d’apprentissage. Ça n’est autre qu’une positive déformation de leur quotidien estudiantin. Je les ai vus dans le dur en Mongolie. Mais leur capacité d’adaptation a fait des merveilles. Pour moi c’est simple, dans l’évaluation du judo universitaire il y a aura toujours le Japon, évidement. Ensuite vient la Corée du Sud. Et ensuite c’est Taipei. Pourquoi croyez-vous que la légende Lee WON-HEE y ai établi ses quartiers depuis plus de 3 ans ?

N’oublions pas que maintenant Taipei est une nation de judo qui a deux têtes d’affiche. L’expérimentée Chen-Ling LIEN -57 n’est plus seule à porter haut les couleurs de son pays. Effectivement elle vit à l’année au Japon et fait partie de l’équipe de KOMATSU. Mais elle n’a pas dit son dernier mot et compte bien cette fois revenir avec cette médaille olympique qui lui a échappée aux Jeux de Rio.

Chen-Ling LIEN -57

Dorénavant il y a aussi l’élégant Yung Wei YANG.-60 que l’on sentait monter en puissance et qui est allé jusqu’en finale de tableau aux derniers championnats du monde, coaché par celui qui le connait le mieux : Wen-Teng LIU .

Yung-Wei YANG -60

Ces deux leaders montrent que c’est possible. Et leur performance rejaillit maintenant sur le reste de l’équipe, étapes par étapes. TAIPEI est devenu le modèle à suivre pour le judo de HONG-KONG et MACAO. Leurs connections se multiplient de plus en plus. Après avoir été performant au niveau des Open du Sud-Est asiatique, les résultats sont maintenant là au niveau continental. Et pour la première fois deux taïwanais ont été classés lors d’un championnat du monde. Yu-Jung LIAO -63 a elle aussi atteint sa finale de tableau. Sortie par l’immense Clarisse, elle perdra en repêchage contre l’expérimentée et médaillée mondiale, l’allemande Martyna TRAJDOS. Une journée de coaching que n’est pas prêt d’oublier Chin-Fang WANG !

Mais ce que je retiens au-delà de tout, c’est que Chin-Fang m’a ouvert les portes sur la diversité ethnique de son île. Devant ma stupéfaction de la beauté de ses athlètes. Elle est m’a souligné que la diversité ethnique est importante à TAIPEI. A l’image du pays, on retrouve des ethnies aborigènes : PAIWAN, ATAYAL, AMIS… Officiellement il y a 14 ethnies reconnues réparties entre les plaines et les montagnes. Vous en voulez un petit aperçu ?

Lin Hsuan HSU – atayal
Wan Chu HSU – atayal

Ne jamais se contenter du superficiel, il faut aller chercher en profondeur. Essayer de capter la personnalité des gens qui vous touchent par leur beauté, et au final y trouver l’essentiel : leur beauté d’âme . Mon approche photographique va dans ce sens. C’est rarement facile, mais tellement gratifiant. De se dire au final qu’avec toi Chin-Fang, au-delà des continents, des langues et de la culture, on est devenus amis, grâce au judo, pour la vie.

Emmeric LE PERSON

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6 réponses sur « Chin-Fang WANG : la perle de Taipei »

Merci pour partager l’équipe masculine et féminine à Taïwan. C’est un bon article. Je suis taiwanaise et je suis touché par ce texte. Et puis j’aime les photos bien. Chaque photo raconte une histoire. J’espère plus de photos que vous faites.
Si j’ai des erreurs de grammaire, je suis désolée, parce je n’apprends que le français un an.

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