Nesrine JLASSI -57 – TUN
Elle a un regard de braise que l’on n’oublie pas. Elle a un judo que l’on n’oublie pas. Elle est est une personnalité que l’on n’oublie pas. Son parcours au championnat d’Afrique 2018 m’a bouleversé. En Tunisie, à la maison, elle a fini 3ième…mais il y a des médailles de bronze qui valent de l’or !
il est plus de 19h à Tunis, s’il fait chaud dans la salle ça n’est pas dû à une défaillance de climatisation, non c’est un ressenti qui me prend soudain comme une bouffée. Je suis au deuxième jour des championnats d’Afrique seniors, et déjà un trop plein d’émotions m’envahi. Retour sur cette journée qui marquera à jamais ma carrière de reporter photographe.
2 amies : Automne et Nesrine au stage du tournoi de Paris 2018
Tout commence en février 2018 lors du stage du tournoi de Paris. Une athlète tunisienne dynamique me demande de prendre une photo avec Automne PAVIA. Effectivement c’est un événement, elle fait son grand retour international par ce stage. Je n’ose accepter dans un premier temps. Je pense qu’on a envie de la laisser prendre ses marques à sa mesure. Mais double erreur de ma part. Automne est déjà prête, comme si sa maternité n’avait été qu’une parenthèse. C’est juste hallucinant ! Ensuite la judokate tunisienne insiste en me disant , si on est amies, on se connait depuis longtemps. La joie évidente d’Automne de la retrouver balayera tous mes mes à priori ridicules. Elles se tombent dans les bras. Je viens de prendre ma première leçon par cette femme hors du commun : Nesrine JLASSI. Laisser le cœur parler avant tout.
Par la suite sachant que j’allais couvrir pour la première fois le championnat d’Afrique, Nesrine me contacte peu avant mon départ. » si tu as besoin de quelque chose à Tunis dis-le moi ! Je te souhaite un beau séjour chez moi. » Je suis touché et me rends compte que je vais surement mettre les pieds dans un événement qui va me marqué pour longtemps. Pour information personne, je dis bien personne, ne s’était donné la peine de faire un reportage photo de l’événement. Avec un tel accueil préparatoire je me dis que ça augure quelque chose de fort. La suite ne m’a pas menti.
On y est , c’est le deuxième jour du championnat et c’est son jour. La veille je l’avais senti mobilisée derrière son équipe. C’est la capitaine, et son parcours plaide pour elle. Imaginez, elle a ouvert la voie en 2008, elle a montré que c’était possible. Que les complexes on pouvait les laisser dans la salle d’échauffement. Pour ses premiers championnats du Monde juniors à Bangkok, ceux d’Ugo LEGRAND et de Teddy RINER, elle se classe 5ième. Elle perd en place de 3. A ses dires : » pas assez préparée et fatiguée ». Au retour, on lui donne le choix : passer son bac…ou faire les Jeux Olympiques de Pékin ? elle a 18 ans elle n’hésitera pas une seconde : « le bac je peux le repasser, pas les JO ».
Se produit ce jour-là dans l’enceinte des jeux un coup de tonnerre retentissant : elle bat d’entrée la médaille de bronze olympique en titre : la cubaine ultra-physique championne du monde Yurisleidy LUPETEY. D’un ura-nage dévastateur qui lèvera tout le public et déconcertera tellement les juges qu’ils visionneront 6 fois la vidéo pour trancher. Le retour sera à la hauteur de la performance. Tous le monde va la voir, la féliciter, médias compris. Elle n’arrivera pas à se remobiliser. Elle finira 9ième. La cubaine ira la voir en lui disant : » attends tu m’a sortie au premier tour et tu n’a rien fait après ? ». Ainsi va la vie parfois des athlètes.
Quel est son secret ? Tout à commencer par une bagarre à l’école alors qu’elle avait 8 ans dans la capitale du sud de la Tunisie SFAX. Présente ce jour-là la professeur de judo Shaari RAWDA lui conseille de se mettre au judo pour se canaliser. Nesrine faisait déjà du basket et a hésité. Sa vie sera changée à tout jamais ! Cette gauchère a une énergie à revendre et un mental d’acier. Pour porter les couleurs de son pays, elle se faisait des régimes de 10 kilos. Autant dire qu’à trop tirer sur la corde, elle a cédée plusieurs fois. Trop à ce jour, d’autant qu’à chaque alerte médicale, elle n’a pas écouté son corps et comme elle le dit elle-même : » de moi-même, je signais à chaque fois la décharge médicale pour combattre ».
3 fois championne d’Afrique, et vainqueur des jeux africains de Maputo en 2011, jusqu’à présent elle n’a pu refaire les JO. Toujours ces maudites blessures. Pour vous donner une meilleure idée de la lionne phénicienne, une anecdote.En 2014 à Tcheliabinsk, la France bat la Tunisie par équipe féminine 4 à 3…seulement. Nesrine luxée à l’épaule, perdra d’un simple shido contre…Automne PAVIA !
Le judo est traumatique à un point que 2 fois par jour à l’entrainement, les judokas risquent leur carrière. Evidemment ils n’y pensent jamais, mais cette épée de Damoclès forge u peu plus tous les jours mon admiration pour eux. 2016, c’est l’année du trop plein. La blessure de trop qui l’empêchera d’aller à Rio. Elle est opérée à l’épaule et la rééducation sera longue. Elle choisi alors de revenir à ses racines, SFAX, dans la capitale du sud Tunisien.
Nesrine avec Nihel CHEIK ROUHOU +78 TUN, SFAX à la fête
Avec la grande judokate Nihel CHEIK ROUHOU +78, toutes les 2 pendant un an, elles vont enseigner le judo aux enfants. Vous n’imaginez pas les étoiles dans les yeux des filles et des garçons d’avoir au quotidien une telle championne qui leur donne les clefs. Le duo d’entraîneur Rekik SLAH et Slim AGREBI qui lui ont aidés à franchir le cap du judo professionnel, sont là avec elle . Une fois retrouvé son intégrité physique, au bout d’un an elle décide de venir s’entraîner en France.
Nesrine avec Jean-Marie DEMELAS
18 réponses à ses demandes…mais une retiendra son intention celle de Jean-Marie DEMELAS du Kodokan de La Ciotat. Elle ne regrette pas son choix tant l’accueil est à ses mots : »merveilleux ». Avec son compagnon , le judoka algérien Drid HAMZA -81, ils vivent heureux à La Ciotat.
Nous voici donc de retour à Tunis pour ses championnats d’Afrique à domicile. Elle n’est là que pour le titre ! On le ressent dans la chambre d’appel, bien qu’elle en ai vu d’autres, la tension est palpable. Les deux premiers tours s’enchaîneront avec maîtrise et expérience. Portée par le public, elle est fidèle à sa réputation de lionne. Arrive la demi-finale contre la marocaine Soumiya IRAOUI. Un suspens insoutenable qui verra la victoire sur un make komi de la marocaine. Le temps semble arrêté.
La marocaine Soumiya IRAOUI hurle sa joie tant elle réalise l’exploit qu’elle vient de réaliser. Nesrine mettra du temps à se relever.
Mais la lionne se relève toujours ! A la coupure elle a la joie de retrouver ses premiers professeurs montés pour la journée de SFAX . Sa famille est là aussi dans les tribunes. Sa mère est dans ses pensée, partie trop tôt. Elle qui était sportive, l’athlétisme, qui comme son père, l’a toujours encouragée dans ses rêves.
Jean-Marie DEMELAS dans les tribunes
Et divine surprise Jean-Marie DEMELAS a fait exprès le voyage de France pour l’encourager et lui donner des clefs. Je la sens à la fois émue et concernée. Elle ne va pas les décevoir. Elle ira au bout d’un combat sous tension, chercher la médaille de bronze. En se relevant tout d’un coup elle est submergée par le trop plein d’émotions. Cette hyper-sensible, comme elle se définit elle-même, craque. Mais qu’elle est belle avec sa médaille de bronze. Ce bronze qui vaut de l’or !
Vite se remobiliser à la sortie du combat pour les médias tunisiens
La famille de SFAX qui a fait l’aller-retour dans la journée
La famille c’est sacré chez les JLASSI…(ps : JLASSI ou JELASSI vous trouverez les 2 dossards tout au long de sa carrière)
Je suis dans l’avion qui me ramène en France, grâce à la complicité de Anis BEN KHALED -100 TUN, et je pense que l’âme de la reine des phéniciens DIDON vit toujours en elle.
Compter sur Nesrine, 2020 c’est son objectif et elle l’atteindra !
Emmeric LE PERSON
Une réponse sur « Nesrine JLASSI : la lionne phénicienne »
Bravo bravo barvo pour vous emmeric le personn